Il nous arrive souvent de bâiller en réponse à diverses réactions : on a chaud, on est fatigué, on s’ennuie, on vient de manger un repas copieux… L’être humain baille en moyenne 250 000 fois au cours de sa vie ! Mais alors, finalement, pourquoi baille t’on ?
Les muscles entrent en action
Un bâillement, c’est une contraction et un étirement généralisé des muscles respiratoires. Il se définit par 4 phases : une inspiration lente et profonde avec la bouche, une expansion du pharynx (il peut aller jusqu’à quadrupler son diamètre) couplé à l’étirement des cordes vocales, un bref arrêt des flux ventilatoires et, pour finir, une expiration lente et généralement bruyante. Durant l’ensemble de ce mouvement, il est possible que les yeux se ferment. En somme, bâiller ne revient pas juste à ouvrir sa bouche ! C’est un mouvement qui contracte au même moment plusieurs muscles.
Une réaction liée au cerveau
Des théories au fil des siècles
Les scientifiques se sont longtemps penchés sur la question du bâillement. Déjà à l’époque d’Hippocrate, on était curieux face à ce phénomène. Ce médecin et philosophe grec, père de la médecine, pensait que le bâillement précédait la fièvre et participait à supprimer l’air vicié des poumons. Un peu à l’image d’une cheminée qui évacue la fumée.
La théorie a évolué au fil du temps et pris plusieurs formes. Jusqu’au siècle dernier, on pensait que le bâillement permettait d’oxygéner le cerveau, d’après les recherches du hollandais Joannes de Gorter. Certains scientifiques attribuaient aussi le bâillement à un procédé permettant de bien gonfler les poumons.
La tendance actuelle
En réalité, même si bâiller est bien lié au cerveau, il s’agirait d’un mouvement déclenché suite à l’augmentation de sa température ! En effet, il aurait un objectif thermorégulateur. Le bâillement permettrait de faire croître le flux du sang artériel et d’obtenir un flux de sang plus frais au cerveau, ce qui réveillerait notre vigilance. Notamment dans les changements de rythme, de type sommeil/éveil ou faim/satiété. C’est, en tout cas, la dernière théorie défendue par les chercheurs.
En effet, c’est souvent à l’approche de l’endormissement ou, au contraire, au sortir de celui-ci qu’on observe ce phénomène. Il permet de se reconnecter à l’environnement et de pouvoir se concentrer à nouveau sur ce qu’il se passe autour de nous. C’est un mouvement inné : même les fœtus baillent, dès l’âge de 11 semaines ! Un adulte, de son côté, baille entre 5 et 10 fois par jour. Les animaux baillent aussi, y compris les reptiles et les oiseaux. En somme, tous les vertébrés, qu’ils vivent dans les airs, l’eau ou la terre.
Pourquoi bâiller est communicatif ?
Les bâillements sont très contagieux : les scientifiques appellent cet état de fait « l’échokinésie du bâillement ». En effet, 1 personne sur deux se mettrait à bâiller si elle voit quelqu’un le faire. C’est d’ailleurs plutôt bon signe : il s’agit d’un mouvement empathique qui active la région cérébrale dans laquelle sont présents les neurones miroirs. Ces derniers se manifestent lorsqu’on regarde un autre individu réaliser une action, ils permettent de décoder les émotions de l’autre et d’être capable de les ressentir.
Ainsi, plus la personne qui va bâiller fait partie de notre entourage proche, plus on sera emmené à l’imiter. Ce sont les femmes qui seraient les plus sensibles à ce mimétisme, ainsi que les individus possédant un haut niveau d’ocytocine, l’hormone liée à l’empathie.
L’hypothèse qui se dessine le plus ces dernières années tend à prouver que ce phénomène d’imitation de l’acte de bâiller entre plusieurs individus permettrait une synchronisation de l’état de vigilance au sein d’un groupe, ce qui provoquerait son attention.
Est-ce qu’il faut se retenir de bâiller ?
Le bâillement peut avoir plusieurs effets, positifs comme négatifs. Il est surtout reconnu pour soulager le stress et apporter de la sérénité. Il permet aussi d’être à l’écoute de son corps, de ressentir lorsqu’on est fatigué, qu’on a du mal à se concentrer, etc. Et, comme vu plus haut, il réveille notre vigilance. Si jamais vous avez la sensation des oreilles bouchées suite à des problèmes de pression (altitude, plongée sous-marine), n’hésitez pas à bâiller, ce mouvement devrait faire disparaître cette impression.
Cependant, bâiller peut aussi être un signe négatif. Si vous vous laissez trop aller à votre mouvement en ouvrant la bouche, votre mâchoire pourrait se décrocher. Certains bâillements sont pathologiques et sont la conséquence de la prise d’antidépresseurs. Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, en particulier, augmentent le nombre des bâillements. C’est un phénomène qui peut devenir très handicapant et désagréable, sachant que certains patients peuvent se mettre à bailler jusqu’à 200 fois par jour, avec des salves de 15 à 20 bâillements.
Les bâillements sont aussi parfois des signes annonciateurs de migraines. Ils peuvent aussi être un indice révélateur de problèmes graves, comme une tumeur cérébrale, une hypertension crânienne ou une maladie neurologique.
Par contre, ne pas bâiller ou quasiment pas, ce n’est pas bon signe ! Les personnes atteintes de la maladie de Parkinson ou les consommateurs réguliers de drogues ne réalisent quasiment pas cette action.
Pourquoi je pleure quand je bâille ?
Si vous pleurez lors de vos bâillements, c’est tout à fait normal. Ce ne sont pas eux qui provoquent des larmes supplémentaires (nous pleurons en réalité toute la journée !) mais ils ont pour conséquence de faire déborder nos yeux en fermant les points lacrymaux. Nos yeux se plissent ce qui provoque un écoulement des larmes.
Pourquoi je baille davantage après un repas ?
Après notre repas, le phénomène de digestion, qui demande beaucoup d’énergie, se met en place. On est donc généralement dans un état de fatigue durant ce processus. Comme le bâillement est lié à la régulation des rythmes de notre corps (veille, sommeil, alimentation), il y a de fortes chances qu’on baille de manière répétitive après un repas chargé en calories. On peut d’ailleurs aussi se mettre à bâiller quand on a faim.
Est-ce qu’un psychopathe bâille ?
Comme nous l’avons vu, le fait de suivre un bâillement est révélateur de notre niveau d’empathie. Un psychopathe n’en possède pas, il est donc très peu probable qu’il imite un bâillement. Il ne détient pas, ou en très petite quantité, la faculté intuitive de se mettre à la place de quelqu’un d’autre, de comprendre ce que l’autre peut ressentir.
Cette idée vient d’une étude développée au Texas à l’université américaine de Baylor. Des chercheurs ont réuni 153 étudiants jugés pervers narcissiques et froids (donc très peu empathiques) afin de leur faire regarder des vidéos montrant plusieurs expressions faciales. Les individus qui ont eu le plus haut score au test du pervers narcissique sont aussi ceux qui ont le moins réagis en voyant des images de bâillements.
Évidemment, il s’agit juste là d’une indication et non d’un diagnostic clair. Les autistes, qui n’ont aucune propension à la psychopathie, ne réagissent pas non plus aux bâillements des autres.